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UN ATELIER D’EXPRESSION MUSICALE AU SEIN DE L’EXTERNAT -MEDICO-PEDAGOGIQUE DE THIAIS

AVANT PROPOS :

Lao Tseu disait : " Un voyage de mille lieues commence par un pas " (1). Le mien s’est déroulé lors d’une fête. Aussi avant d’entrer dans le coeur de mon propos, permettez-moi de vous parler de celle-ci, qui s’est déroulée dans un camp de réfugiés bosniaques près de ZAGREB en CROATIE.

A l’époque, j’essayais avec d’autres collègues éducateurs d’atténuer la souffrance des enfants dans leur exil. Quel rapport avec la musique allez vous me demander ! Soyez rassurés je vais y venir.

Dans ce camp donc, les adultes avaient décidé d’organiser une petite fête à laquelle j’étais convié. Je m’y suis rendu et quelle n’a pas été ma surprise d’y entendre un petit orchestre composé de réfugiés qui interprétaient des musiques traditionnelles.

A la première occasion je me suis adressé à l’un d’eux que je connaissais pour lui demander d’où venait sa contrebasse " de Bosnie " m’a-t-il répondu. L’évidence qui transpirait de sa réponse ne m’était pas venue à l’esprit, d’autant que tous ces gens avaient dû quitter leur terre du jour au lendemain, risquant la mort à chaque instant. Cette situation est apparue très cocasse à mon esprit cartésien et pendant qu’il me parlait je l’imaginais fuyant sous les bombes avec sa contrebasse dans les bras. N’avait-il donc rien d’autre à emporter, de plus pratique, de moins encombrant me suis-je dis, n’avait-il pas sa vie à sauver, celle des siens, il partait pour errer des jours et des jours à travers la forêt avec sa famille et il emportait une contrebasse !

Vous aurez donc compris que je ne suis ni artiste ni musicien pour ne pas avoir perçu l’importance de cet instrument. Je crois que Mido a dû ajouter " il fait partie de ma vie, le perdre c’est déjà m’éteindre un peu ", sans doute ses propos étaient-ils un peu différents, mais qu’importe car intérieurement ceux là m’ont ému.

Cet homme que j’avais connu si déprimé, si amer envers ses semblables lorsque j’avais eu à lui parler était en train de nous donner de la joie de vivre, nous inonder de positif avec son instrument.

De retour en FRANCE pour y reprendre mon métier d’éducateur spécialisé, plus riche de ce savoir, de cette conscience que la musique peut exercer un impact positif sur des êtres en difficulté, j’ai cherché de quelle manière utiliser le monde sonore auprès des enfants déficients mentaux dont j’ai actuellement la charge.

INTRODUCTION :

L’externat médico-pédagogique : L’ARC-EN-CIEL " reçoit des enfants âgés de 6 à 14ans, présentant une déficience intellectuelle moyenne ainsi que des troubles importants de la personnalité.

Tout au long de la journée, des éducateurs spécialisés leur proposent diverses activités dites de guidance pour les apprentissages structurés et d’accompagnement pour celles qui favorisent l’éveil de l’enfant.

L’atelier d’expression musicale dont nous allons nous entretenir à présent s’inscrit dans cette dernière ligne.

Mon but cet après midi n’est pas de vous transmettre un enseignement mais plus simplement de vous faire-part d’une expérience.

Au départ, je n’avais pas l’idée de mettre en place une telle activité, mais peu après mon arrivée, en ouvrant des placards j’ai découvert toutes sortes d’instruments en souffrance dans des cartons. Tout naturellement, j’ai tenté de les mettre en vibration, pendant que revenaient à ma mémoire des scènes vécues dans des bidonvilles d’Amérique latine : dans un dénuement presque total, la vie reprenait vie, l’espoir reprenait forme humaine au rythme des sons émis en frappant sur des caisses et des bidons.

Ma réflexion m’a amené à prendre conscience combien l’être humain est lié à la musique, tout au moins à certains de ses paramètres.

Dès le stade foetal, il est bercé par le mouvement cardiaque de sa mère.

Plus tard il va être confronté à toutes sortes de rythmes et de sons quotidiens : une berceuse, la chaîne hi-fi d’un frère ou d’une soeur, le son d’une horloge, des cloches etc ...

Tous ces événements sonores vont envelopper l’individu d’un environnement rythmique qui deviendra en quelque sorte l’identité apaisante de son univers connu.

Afin d’illustrer ce propos, permettez-moi de faire référence à madame Edith LECOURT qui a écrit ceci :" Le médiateur que constitue la musique, possède un pouvoir affectif tout particulier lié à la précocité du développement auditif par rapport aux autres sens et à sa relation très étroite avec le système nerveux central. L’audition est avec la cénesthésie le premier sens à se développer et détermine toute une partie du monde extérieur. Le premier monde du nouveau-né est un monde auditif et cénesthésique " (2).

Le but de cet atelier n’est pas de former des musiciens ni même de proposer une thérapie. Il est de partir des capacités naturelles dont nous venons de discuter afin d’apprendre à l’enfant à s’extérioriser tout en se contenant, de découvrir un autre mode de communication avec les autres qui ne soit pas basé sur l’agressivité, de prendre du plaisir à manipuler des instruments, de trouver un chemin pour grandir en harmonie.

Néanmoins un projet pédagogique ne saurait faire l’économie d’un soutien de la théorie pour être crédible. Examinons celle sur laquelle cet atelier repose.

RAPPEL THEORIQUE :

La référence communément admise dans les ouvrages traitant de musicothérapie semble être la théorie concernant les deux parties du cerveau.

Sans entrer dans le détail, soulignons seulement que la partie droite est appelée " analogique ". Elle serait le siège d’une communication qui peut être consciente et volontaire ou inconsciente et involontaire.

En outre, elle n’admet pas de négation mais essentiellement des affirmations et ne met en scène que le présent.

Enfin, elle peut admettre plusieurs messages simultanés, chacun d’eux pouvant revêtir différentes significations.

La partie gauche quant à elle est dite " digitale ". La communication qui la caractérise est consciente et volontaire.

Elle admet la négation ne... pas et peut évoquer le passé, le présent ou le futur.

De plus, à chaque mot (qui n’intervient que l’un après l’autre ) correspond une signification.

Tous ces éléments amènent à penser que la parole relèverait plutôt du domaine digital alors que comme l’exprime Paul WATZLAWICK : "...à peu de choses près, seul l’hémisphère droit peut saisir la musique, du moins quand il s’agit de ce que l’on peut appeler, si l’on veut, l’expérience musicale immédiate". ( 3)

Afin de conclure ce rappel succinct, notons que l’être humain naît avec le cerveau analogique, le digital, celui des codes et conventions, il aura à l’apprendre pour ensuite créer un équilibre entre les deux.

Ce précieux acquis sera la base de départ de mon travail.

Mais voyons dès à présent l’effet sonore utilisé le plus facilement.

LE BRUIT :

L’enfant acquiert dès les premiers jours de sa vie un savoir-faire très performant concernant le bruit. Cela va d’ailleurs s’affiner au fil du temps. Babiller, pousser des cris, faire du chahut, taper sur la table, tirer une chaise sont autant de sons non organisés avec lesquels il prend plaisir à jouer.

La réponse habituelle de l’adulte face à ces " provocations " est la réprimande pure et simple. Or, que pouvons nous remarquer dans ces compositions bruyantes :

Qu’elles provoquent des émotions positives ou négatives, tant pour celui qui écoute que pour celui qui produit.

En outre, nous pouvons percevoir des consonances ou dissonances bruyantes, des différences d’intensité que le musicien pourrait très bien assimiler à un crescendo ou un decrescendo.

Nous pourrions poursuivre ainsi et nous rendre compte combien les paramètres musicaux sont proches de ceux utilisés par l’enfant dans ses improvisations bruyantes.

Ainsi, ces dernières pourraient tout à fait être envisagées sous l’angle d’une volonté manifestée de communiquer plutôt que de provocations destinées à nuire.

Au demeurant, dans le conflit dit " des générations " je me souviens avoir entendu bien des fois la sempiternelle phrase : "ce n’est pas de la musique que tu écoutes, mais du bruit " (*), preuve en est que la frontière entre les deux n’est pas des plus évidentes.

L’une des originalités de cet atelier est de favoriser l’émergence de ces potentialités, de permettre au jeune de prendre conscience des effets, bons ou mauvais, obtenus avec ses propres productions.

Dans un second temps, l’enfant a la possibilité de modifier ses bruits, de les organiser afin qu’ils deviennent audibles par tous.

Cette étape intégrée, il prend du plaisir à créer, à donner un peu de lui mais également à être écouté. Nous pouvons entrevoir dans ce processus les prémices d’un dialogue.

LA COMMUNICATION :

Mon but est d’aider les jeunes à progresser en ce domaine.

En effet, nous pouvons constater au quotidien que si la relation à l’autre existe, que se soit par le geste ou la parole, elle s’établit presque exclusivement sur un mode agressif ou sous la forme dominant / dominé.

Or la musique peut créer du lien, donner du sens à la relation. Elle offre un nouveau moyen, non verbal, de communiquer ou comme le souligne Rolando Benenzon elle permet l’ouverture de " canaux de communication". (4)

Jacqueline VERDEAU PAILLEZ quant à elle s’exprime en ces termes : " On dit qu’aucun enfant n’est insensible à la musique. Nous ajouterons qu’aucun être humain n’est étranger à la rythmique... Celle-ci, tout à fait indépendante de l’âge permet à l’enfant comme à l’adulte de trouver une nouvelle compréhension et une relation alternative avec soi- même et les autres. (5)

L’enfant peut se saisir de la musique afin d’extérioriser des émotions de joie, de peine, d’angoisse avec la particularité d’être, je pense, d’une agressivité modérée et cela pour deux raisons :

(*) Ma grand-mère

- L’éducateur est là pour servir de Surmoi auxiliaire, c’est à dire de se porter garant des règles, en cas de dérapage afin d’être un contenant rassurant.

- Le second point prend en compte le fait tout simple que l’instrument restitue à l’utilisateur, de manière sonore, sa propre énergie investie. Ainsi, une percussion trop malmenée a toutes les chances de faire mal aux oreilles et aux mains.

Afin de mener à bien cet apprentissage de la communication, il est proposé aux enfants un certain nombre de jeux musicaux, d’explorations du monde rythmique et acoustique. Chacun est alors mis en valeur non pas par sa force mais par la qualité de ses productions et sa capacité à écouter celles des autres.

Ce dernier point est pour moi essentiel car la qualité de l’écoute engendrera celle de la communication.

Alfred TOMATIS dit à ce sujet que" L’écoute est l’oreille de la conscience, comme l’entendement est celle de l’intelligence..." (6)

 

ENREGISTREMENT DE SEQUENCES :

Comme pour le langage, les productions sonores et musicales ont besoin d’être entendues et reconnues par la personne qui les émet. Avec les effets produits sur autrui, le jugement personnel, cette rétroaction procure à son auteur de la satisfaction ou du déplaisir.

En outre, ce retour permet le cas échéant une autocorrection. Or, compte tenu des difficultés rencontrées par les enfants de l’institution et les barrières psychologiques qu’elles entraînent, il n’est pas certain que ce " feed-back " soit opérant.

Aussi, il me semble opportun d’enregistrer sur bandes certaines séquences de cet atelier afin que son travail et ses efforts soient restitués à l’enfant.

De plus, cette trace magnétique a pour fonction de conserver la mémoire de cet atelier. Dans cette source sonore nous pourrons également aller puiser l’inspiration lorsque le temps sera venu de monter un spectacle.

 

LE CHOIX DES INSTRUMENTS :

Dans ce lieu d’expression musicale, nous tentons d’accéder à toutes sortes d’instruments. Qu’ils soient à vent, à percussion ou à cordes, chaque enfant trouve selon son désir, ses capacités et son handicap un instrument à sa mesure.

L’objectif est avant tout de rendre l’enfant actif (la musique est en France par trop considérée comme l’apanage d’une élite cultivée ) afin qu’il puisse expérimenter par lui-même l’étendue des sonorités. Vivre les émotions qu’elles suscitent puis les faire partager consolide, je pense, la dynamique de groupe ainsi que le désir de communiquer.

Durant les premiers mois afin qu’il ait une vision aussi large que possible des étendues sonores, je demande à chaque enfant d’essayer tous les instruments.

Ceux-ci sont en exposition sur les murs pour les plus petits, sur une table ou sur pieds tout autour de la salle pour les plus imposants.

Cette méthode a pour but de motiver l’enfant de façon visuelle, tactile et sonore car il leur est possible de circuler et de manipuler avant de définir leur choix. Nous pouvons remarquer combien l’affectif joue un rôle important dans cette démarche. Avant toute chose, le jeune semble s’approprier l’objet sonore, il paraît entrer en résonance avec lui.

Par la suite ils ont la possibilité de jouer plus souvent du même.

Bien qu’une grande partie des instruments ait été achetée, j’ai laissé néanmoins une grande place à leur construction. Ceci se réalise à partir de matériaux de récupération comme des capsules, des bouteilles en plastique, des tuyaux, des morceaux de bois etc.

En outre, ces manipulations demandent à l’enfant un effort de concentration, de dextérité, pour terminer par le plaisir de voir l’objet réalisé de ses propres mains.

Sans nous lancer dans une liste exhaustive des possibilités, citons par exemples : les grelots, le kazoo, le fouet, les maracas etc.

Bien entendu, nous ne pouvons pas parler d’instruments de musique sans faire référence à la voix.

 

LE CHANT :

Mes observations m’ont amené à remarquer que de nombreux enfants de l’institution prennent du plaisir à chanter.

Aussi ai-je mis en place une activité de ce type lors d’une récréation. Ce temps me paraît le plus opportun car il fait tout d’abord appel à la libre adhésion.

En outre, je souhaite que ce moment de convivialité ne soit pas perçu comme un nouveau travail mais comme l’expression d’un plaisir partagé. Ce qui me semble quand même la qualité première de la musique.

Notons malgré tout qu’à travers la chanson, l’enfant va dans un premier temps effectuer un travail de mémoire puis en fonction des textes vivre des émotions ou intégrer des valeurs sociales.

Certaines tribus comme les Maoris de nouvelle Zélande utilisent encore le chant au quotidien avec leurs enfants, comme mode d’enseignement des valeurs personnelles et sociales. D’ailleurs, le mot qu’ils utilisent pour exprimer la chanson signifie :

" Montrer l’âme ".

A mon tour, j’essaie d’utiliser cet outil pédagogique de cette façon.

Néanmoins, il est bien clair que la pratique musicale ne saurait remplacer l’audition d’oeuvres.

 

L’ECOUTE MUSICALE :

Elle est à mon sens un complément idéal à l’interprétation instrumentale. Pour cela, nous utilisons des contes musicaux, des chansons issues des répertoires traditionnels et modernes, des oeuvres classiques sans oublier l’interculturalité en proposant des morceaux de différents pays et continents.

Au début les disques ont été amenés par moi-même. Toutefois, les enfants apportent souvent de la maison des documents sonores qu’ils se sont appropriés et qu’ils souhaitent faire partager.

L’écoute musicale nécessite de leur part un minimum de calme, de concentration, de savoir afin de reconnaître les instruments. Selon les rythmes, les intensités sonores les mêmes qualités seront requises pour percevoir les émotions voulues par les compositeurs au travers de leur musique.

En outre, le temps de verbalisation au terme de chaque écoute les incite à organiser leurs pensées, à mettre des mots sur les impressions et surtout à les exprimer correctement.

Là encore, nous voyons combien les apprentissages peuvent être nombreux durant cette seule activité.

 

LES SPECTACLES :

Comme nous l’avons exposé précédemment, l’atelier n’est qu’une approche de la musique.

Néanmoins, il me semble intéressant que les enfants aient accès à la finalité que peut représenter le spectacle.

L’objectif est en quelque sorte de mettre en forme les progrès réalisés tout au long des séances. Il est de réunir en un grand puzzle tous les exercices musicaux, découvertes sonores afin de leur donner du sens aux yeux de l’enfant.

Dans cette optique, nous travaillons l’aspect scénique et l’utilisation du matériel de sonorisation.

Les enfants développent ainsi leur capacité de persévérance, de concentration sur un projet qui de plus introduit la notion de futur.

En outre, ils accomplissent beaucoup de chemin dans l’acceptation de leurs difficultés et différences. N’oublions pas l’abnégation que demande l’action de s’exposer au regard des autres, à leur jugement.

L’un de mes buts est de monter dès que cela sera possible un conte musical à partir des idées et compositions des jeunes puis de le présenter à l’ensemble de l’institution à l’occasion d’une fête.

L’autre aspect du spectacle que je souhaiterais mettre en place serait d’aller à l’extérieur avec le groupe entendre des professionnels se produire dans un théâtre de la ville.

Une possibilité serait aussi de recevoir des artistes au sein même de l’institution.

Avant de conclure cette présentation, je souhaite vous exposer le parcours d’un enfant dans cet atelier ainsi que l’évolution du groupe

LE CAS DE LUCIEN :

Lucien est un enfant de 12 ans. Il est physiquement très grand et semble très mal dans un corps disproportionné. Très nerveux, il a été surprotégé par sa maman. Sa relation aux autres est insatisfaisante parce que très agressive à la fois sur un plan physique car il ne mesure pas sa force lorsqu’il s’énerve mais également par le verbe qu’il utilise bien souvent afin de proférer des insultes.

Les réprimandes de l’adulte le mettent dans une colère folle et il n’est pas rare qu’il renverse alors des tables et des chaises.

Lucien est venu dans cet atelier l’année dernière à raison de deux fois 40 minutes par semaine. Cette année, compte tenu des résultats obtenus, il y passe un après midi entier.

Malgré les difficultés de concentration et de comportement éprouvés par Lucien, nous pouvons déjà percevoir un premier gain, celui de demeurer présent et actif sur une période relativement longue.

Durant les premiers mois de l’atelier, Lucien a eu sa période que j’appellerai " boum boum " pendant laquelle il tapait sans réel contrôle sur les timbales, les tables et les armoires.

Du son sourd et brut, il a commencé à prendre conscience des nuances. Dans les jeux proposés, il a tour à tour souhaité être musicien ou chef d’orchestre.

Il s’est rendu compte également que dans la musique le silence avait son importance à la fois pour écouter les autres mais également afin d’être lui-même mis en valeur.

Puis il a appris qu’il y avait du rythme. Il a d’abord ressenti celui de son coeur, puis au fil des mois il a fait des efforts pour contrôler le maniement de la mailloche et jouer selon un tempo donné.

Ensuite, est venue la notion de groupe ou sa musique pouvait s’inscrire dans un ensemble, Lucien a découvert la patience.

Depuis quelques mois il est plus détendu, les traits de son visage sont moins crispés. Petit à petit, il s’est détaché de la timbale pour choisir la guitare qu’il prend sur ses genoux et qu’il enroule de ses bras de façon très affectueuse, d’une manière presque maternelle.

En outre, cet atelier lui tient tellement à coeur, qu’il en parle de façon très positive à la maison ce qui lui a permis d’instaurer avec ses parents les nouvelles bases d’un dialogue que les différents échecs dans l’apprentissage du calcul et de la lecture avait mis à mal.

Certes, Lucien ne participe pas qu’à cet atelier, seuls les efforts conjugués de tous ont permis cette amélioration dans le comportement de Lucien, mais je suis convaincu qu’il a trouvé là une activité où s’épanouir.

 

EVOLUTION DU GROUPE :

Je pense que les enfants ont tout d’abord été décontenancés par la souplesse du fonctionnement de l’atelier.

La découverte du monde sonore de la pièce avec la possibilité d’utiliser les tables, les chaises, les armoires, les robinets, les portes, les cris comme instruments les a quelque peu paralysés.

La spontanéité constatée chez certains enfants à l’extérieur avait du mal à prendre corps dans le cadre de l’atelier sous le regard d’un adulte consentant.

Cet état a duré quelques mois puis les enfants ont pris de l’assurance et ont commencé une période de défoulement particulièrement bruyante. J’avoue que ce temps a été très pénible, au point de faire dire à une stagiaire psychologue qui participait à l’atelier : " j’avais l’impression d’un chaos ".

Puis le groupe s’est auto-régulé. Certes d’une année sur l’autre quelques enfants sont partis, d’autres sont arrivés mais un noyau important est tout de même resté. Ce dernier a d’ailleurs imposé de façon implicite cette autorégulation, comme si l’expérience des anciens avait en même temps profité aux nouveaux.

Le moment de discussion que nous avons à la fin de chaque séance permet de clarifier certains comportements entre les jeunes dont voici un exemple.

Parmi les jeux proposés il en est un que les enfants aiment beaucoup. Nous sommes tous en cercle et nous tournons autour d’un tabouret en jouant chacun d’un instrument... A tour de rôle chaque participant monte sur le tabouret pour se mettre en valeur et offrir aux autres une improvisation musicale. Mourad, un enfant assez égocentrique, avait monopolisé de nombreuses fois cette place centrale.

Lors de la discussion de clôture, une fille lui en a fait la remarque, comme à son habitude j’ai cru qu’il allait exploser mais il n’en a rien été. Mourad s’est contenté de hausser les épaules pour ensuite aller s’asseoir en marge du groupe, en prenant soin de conserver néanmoins un lien avec les autres, celui de l’écoute de ce qui se disait.

 

CONCLUSION :

Au terme de l’exposé de ce projet éducatif, trois réflexions me viennent à l’esprit.

Tout d’abord je prends conscience qu’il a été beaucoup discuté de méthode dans ce travail. Mon inquiétude serait que trop de technicité masque l’essentiel. Je veux parler de la confiance mais aussi de la tendresse que l’enfant doit trouver en l’adulte. Sans cette relation humaine rien ne serait possible.

Ensuite il est intéressant me semble-t-il, de suivre le comportement de l’enfant à la suite de l’atelier de façon à repérer si une trace mnésique persiste et s’il est capable d’utiliser à nouveau, en d’autres lieux, d’éventuels acquis.

Nous n’avons pas abordé dans ce projet les effets thérapeutiques directs que peut avoir la musique sur l’être humain. Ainsi, sous la direction d’un psychiatre, il pourrait être envisagé un travail sur la base d’oeuvres choisies pour leurs vertus apaisantes, relaxantes ou énergisantes ceci en amont ou en complément d’un traitement médical traditionnel.

C’est ainsi que j’envisage d’entreprendre une étude sur l’évolution du bruit au moment des repas durant lesquels les quarante huit enfants sont réunis dans une même salle.

En ce sens, les recherches des médecins canadiens L.Chalout et F.Borgeat sur la musique avec messages subliminaux sonores pourraient être étudiées plus à fond.

Enfin, je souhaite revenir au sujet concernant l’aide humanitaire en disant que l’enseignement de la musique et la musicothérapie ont beaucoup à apporter sur le terrain en complément des aides d’urgence.

 

PISTES DE REFLEXIONS POUR UNE EVALUATION DES EFFETS DE L’ATELIER :

1- Peut reproduire un rythme simple :

- avec le corps

- avec un instrument

2- Peut créer un rythme simple :

- avec le corps

- avec un instrument

3- Facilité d’écoute

- oui

- non

4- Aptitude à chanter :

- chante juste avec plaisir

- prend du plaisir, mais chante faux

- ne prend pas de plaisir, mais chante juste

- ne prend pas de plaisir et chante faux

5- Intérêt dans l’atelier :

- pour l’ensemble de ce qui est proposé

- pour la construction d’instruments

- pour l’utilisation d’instruments

- pour les jeux musicaux

- pour les contes musicaux

- pour les chansons

- pour la musique classique

- pour le chant

- pas d’intérêt du tout 6- Intérêt à propos de l’atelier :

- amène des disques et cassettes

- amène des instruments

7- Capacité à reconnaître les instruments :

- de façon visuelle

- de façon auditive

8- Oreille directrice :

- droite

- gauche

9- Facilité à communiquer de façon non verbale :

- par le geste

- par l’attitude

- par l’instrument

10- Attitude régulatrice au sein du groupe

- oui

- non

11- Attitude perturbatrice :

- au début de l’atelier

- à la fin de l’atelier

- selon la dynamique du groupe

12- Instruments préférés :

- à percussion

- à vent

- à cordes

13- Discours de l’enfant :

- souhaite poursuivre l’atelier

- ne souhaite pas continuer (pourquoi ?

14- Progrès notables au sein de l’atelier :

- en rythme

- dans le comportement

- dans l’écoute

- dans la participation

15- Age


BIBLIOGRAPHIE :

(1) LAO TSEU : " Tao Te Ching "

(2) E. LECOURT : " La pratique de la musicothérapie " éd. E.S.F. (1980 )

(3) P. WATZLAWICK " : Le langage du changement " éd. SEUIL p.35

(4) R . BENENZON : " Théorie de la musicothérapie" éd. du non verbal/A.M.BX (1992)

(5) J.VERDEAU -PAILLES /B.LUBAN-PLOZZA/M.DELLIPONTI : " La troisième oreille et la pensée musicale " éd.FUZEAU (1995) p.79

(6) A.A.TOMATIS : " Vers l’écoute humaine" tome 1 éd.E.S.F 1979 page 43

 

 

Travail réalisé pour la section française de l’I.S.M.E ( International Society for Music Education ) à l’occasion de ses journées d’informations du 29 et 30 novembre 1997 par :

Philippe SACCOMANO

53 rue Robert Degert

94400 VITRY

FRANCE

tél. (33) (0)1 46 58 88 02

e-mail: clarte@netcourrier.com 

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