Accueil-Menu |
Nouvelles |
Forum |
Groupe de discussion |
Fichiers |
Photos |
Liens |
Signets |
FAQ |
Webring |
Praticiens |
Petites annonces |
Courrier |
Livre d'Or |
Sondages |
UN ATELIER DEXPRESSION MUSICALE AU SEIN DE LEXTERNAT -MEDICO-PEDAGOGIQUE DE THIAIS
Lao Tseu disait : " Un voyage de mille lieues commence par un pas " (1). Le mien sest déroulé lors dune fête. Aussi avant dentrer dans le coeur de mon propos, permettez-moi de vous parler de celle-ci, qui sest déroulée dans un camp de réfugiés bosniaques près de ZAGREB en CROATIE.
A lépoque, jessayais avec dautres collègues éducateurs datténuer la souffrance des enfants dans leur exil. Quel rapport avec la musique allez vous me demander ! Soyez rassurés je vais y venir.
Dans ce camp donc, les adultes avaient décidé dorganiser une petite fête à laquelle jétais convié. Je my suis rendu et quelle na pas été ma surprise dy entendre un petit orchestre composé de réfugiés qui interprétaient des musiques traditionnelles.
A la première occasion je me suis adressé à lun deux que je connaissais pour lui demander doù venait sa contrebasse " de Bosnie " ma-t-il répondu. Lévidence qui transpirait de sa réponse ne métait pas venue à lesprit, dautant que tous ces gens avaient dû quitter leur terre du jour au lendemain, risquant la mort à chaque instant. Cette situation est apparue très cocasse à mon esprit cartésien et pendant quil me parlait je limaginais fuyant sous les bombes avec sa contrebasse dans les bras. Navait-il donc rien dautre à emporter, de plus pratique, de moins encombrant me suis-je dis, navait-il pas sa vie à sauver, celle des siens, il partait pour errer des jours et des jours à travers la forêt avec sa famille et il emportait une contrebasse !
Vous aurez donc compris que je ne suis ni artiste ni musicien pour ne pas avoir perçu limportance de cet instrument. Je crois que Mido a dû ajouter " il fait partie de ma vie, le perdre cest déjà méteindre un peu ", sans doute ses propos étaient-ils un peu différents, mais quimporte car intérieurement ceux là mont ému.
Cet homme que javais connu si déprimé, si amer envers ses semblables lorsque javais eu à lui parler était en train de nous donner de la joie de vivre, nous inonder de positif avec son instrument.
De retour en FRANCE pour y reprendre mon métier déducateur spécialisé, plus riche de ce savoir, de cette conscience que la musique peut exercer un impact positif sur des êtres en difficulté, jai cherché de quelle manière utiliser le monde sonore auprès des enfants déficients mentaux dont jai actuellement la charge.
Lexternat médico-pédagogique : LARC-EN-CIEL " reçoit des enfants âgés de 6 à 14ans, présentant une déficience intellectuelle moyenne ainsi que des troubles importants de la personnalité.
Tout au long de la journée, des éducateurs spécialisés leur proposent diverses activités dites de guidance pour les apprentissages structurés et daccompagnement pour celles qui favorisent léveil de lenfant.
Latelier dexpression musicale dont nous allons nous entretenir à présent sinscrit dans cette dernière ligne.
Mon but cet après midi nest pas de vous transmettre un enseignement mais plus simplement de vous faire-part dune expérience.
Au départ, je navais pas lidée de mettre en place une telle activité, mais peu après mon arrivée, en ouvrant des placards jai découvert toutes sortes dinstruments en souffrance dans des cartons. Tout naturellement, jai tenté de les mettre en vibration, pendant que revenaient à ma mémoire des scènes vécues dans des bidonvilles dAmérique latine : dans un dénuement presque total, la vie reprenait vie, lespoir reprenait forme humaine au rythme des sons émis en frappant sur des caisses et des bidons.
Ma réflexion ma amené à prendre conscience combien lêtre humain est lié à la musique, tout au moins à certains de ses paramètres.
Dès le stade foetal, il est bercé par le mouvement cardiaque de sa mère.
Plus tard il va être confronté à toutes sortes de rythmes et de sons quotidiens : une berceuse, la chaîne hi-fi dun frère ou dune soeur, le son dune horloge, des cloches etc ...
Tous ces événements sonores vont envelopper lindividu dun environnement rythmique qui deviendra en quelque sorte lidentité apaisante de son univers connu.
Afin dillustrer ce propos, permettez-moi de faire référence à madame Edith LECOURT qui a écrit ceci :" Le médiateur que constitue la musique, possède un pouvoir affectif tout particulier lié à la précocité du développement auditif par rapport aux autres sens et à sa relation très étroite avec le système nerveux central. Laudition est avec la cénesthésie le premier sens à se développer et détermine toute une partie du monde extérieur. Le premier monde du nouveau-né est un monde auditif et cénesthésique " (2).
Le but de cet atelier nest pas de former des musiciens ni même de proposer une thérapie. Il est de partir des capacités naturelles dont nous venons de discuter afin dapprendre à lenfant à sextérioriser tout en se contenant, de découvrir un autre mode de communication avec les autres qui ne soit pas basé sur lagressivité, de prendre du plaisir à manipuler des instruments, de trouver un chemin pour grandir en harmonie.
Néanmoins un projet pédagogique ne saurait faire léconomie dun soutien de la théorie pour être crédible. Examinons celle sur laquelle cet atelier repose.
La référence communément admise dans les ouvrages traitant de musicothérapie semble être la théorie concernant les deux parties du cerveau.
Sans entrer dans le détail, soulignons seulement que la partie droite est appelée " analogique ". Elle serait le siège dune communication qui peut être consciente et volontaire ou inconsciente et involontaire.
En outre, elle nadmet pas de négation mais essentiellement des affirmations et ne met en scène que le présent.
Enfin, elle peut admettre plusieurs messages simultanés, chacun deux pouvant revêtir différentes significations.
La partie gauche quant à elle est dite " digitale ". La communication qui la caractérise est consciente et volontaire.
Elle admet la négation ne... pas et peut évoquer le passé, le présent ou le futur.
De plus, à chaque mot (qui nintervient que lun après lautre ) correspond une signification.
Tous ces éléments amènent à penser que la parole relèverait plutôt du domaine digital alors que comme lexprime Paul WATZLAWICK : "...à peu de choses près, seul lhémisphère droit peut saisir la musique, du moins quand il sagit de ce que lon peut appeler, si lon veut, lexpérience musicale immédiate". ( 3)
Afin de conclure ce rappel succinct, notons que lêtre humain naît avec le cerveau analogique, le digital, celui des codes et conventions, il aura à lapprendre pour ensuite créer un équilibre entre les deux.
Ce précieux acquis sera la base de départ de mon travail.
Mais voyons dès à présent leffet sonore utilisé le plus facilement.
Lenfant acquiert dès les premiers jours de sa vie un savoir-faire très performant concernant le bruit. Cela va dailleurs saffiner au fil du temps. Babiller, pousser des cris, faire du chahut, taper sur la table, tirer une chaise sont autant de sons non organisés avec lesquels il prend plaisir à jouer.
La réponse habituelle de ladulte face à ces " provocations " est la réprimande pure et simple. Or, que pouvons nous remarquer dans ces compositions bruyantes :
Quelles provoquent des émotions positives ou négatives, tant pour celui qui écoute que pour celui qui produit.
En outre, nous pouvons percevoir des consonances ou dissonances bruyantes, des différences dintensité que le musicien pourrait très bien assimiler à un crescendo ou un decrescendo.
Nous pourrions poursuivre ainsi et nous rendre compte combien les paramètres musicaux sont proches de ceux utilisés par lenfant dans ses improvisations bruyantes.
Ainsi, ces dernières pourraient tout à fait être envisagées sous langle dune volonté manifestée de communiquer plutôt que de provocations destinées à nuire.
Au demeurant, dans le conflit dit " des générations " je me souviens avoir entendu bien des fois la sempiternelle phrase : "ce nest pas de la musique que tu écoutes, mais du bruit " (*), preuve en est que la frontière entre les deux nest pas des plus évidentes.
Lune des originalités de cet atelier est de favoriser lémergence de ces potentialités, de permettre au jeune de prendre conscience des effets, bons ou mauvais, obtenus avec ses propres productions.
Dans un second temps, lenfant a la possibilité de modifier ses bruits, de les organiser afin quils deviennent audibles par tous.
Cette étape intégrée, il prend du plaisir à créer, à donner un peu de lui mais également à être écouté. Nous pouvons entrevoir dans ce processus les prémices dun dialogue.
Mon but est daider les jeunes à progresser en ce domaine.
En effet, nous pouvons constater au quotidien que si la relation à lautre existe, que se soit par le geste ou la parole, elle sétablit presque exclusivement sur un mode agressif ou sous la forme dominant / dominé.
Or la musique peut créer du lien, donner du sens à la relation. Elle offre un nouveau moyen, non verbal, de communiquer ou comme le souligne Rolando Benenzon elle permet louverture de " canaux de communication". (4)
Jacqueline VERDEAU PAILLEZ quant à elle sexprime en ces termes : " On dit quaucun enfant nest insensible à la musique. Nous ajouterons quaucun être humain nest étranger à la rythmique... Celle-ci, tout à fait indépendante de lâge permet à lenfant comme à ladulte de trouver une nouvelle compréhension et une relation alternative avec soi- même et les autres. (5)
Lenfant peut se saisir de la musique afin dextérioriser des émotions de joie, de peine, dangoisse avec la particularité dêtre, je pense, dune agressivité modérée et cela pour deux raisons :
(*) Ma grand-mère
- Léducateur est là pour servir de Surmoi auxiliaire, cest à dire de se porter garant des règles, en cas de dérapage afin dêtre un contenant rassurant.
- Le second point prend en compte le fait tout simple que linstrument restitue à lutilisateur, de manière sonore, sa propre énergie investie. Ainsi, une percussion trop malmenée a toutes les chances de faire mal aux oreilles et aux mains.
Afin de mener à bien cet apprentissage de la communication, il est proposé aux enfants un certain nombre de jeux musicaux, dexplorations du monde rythmique et acoustique. Chacun est alors mis en valeur non pas par sa force mais par la qualité de ses productions et sa capacité à écouter celles des autres.
Ce dernier point est pour moi essentiel car la qualité de lécoute engendrera celle de la communication.
Alfred TOMATIS dit à ce sujet que" Lécoute est loreille de la conscience, comme lentendement est celle de lintelligence..." (6)
Comme pour le langage, les productions sonores et musicales ont besoin dêtre entendues et reconnues par la personne qui les émet. Avec les effets produits sur autrui, le jugement personnel, cette rétroaction procure à son auteur de la satisfaction ou du déplaisir.
En outre, ce retour permet le cas échéant une autocorrection. Or, compte tenu des difficultés rencontrées par les enfants de linstitution et les barrières psychologiques quelles entraînent, il nest pas certain que ce " feed-back " soit opérant.
Aussi, il me semble opportun denregistrer sur bandes certaines séquences de cet atelier afin que son travail et ses efforts soient restitués à lenfant.
De plus, cette trace magnétique a pour fonction de conserver la mémoire de cet atelier. Dans cette source sonore nous pourrons également aller puiser linspiration lorsque le temps sera venu de monter un spectacle.
Dans ce lieu dexpression musicale, nous tentons daccéder à toutes sortes dinstruments. Quils soient à vent, à percussion ou à cordes, chaque enfant trouve selon son désir, ses capacités et son handicap un instrument à sa mesure.
Lobjectif est avant tout de rendre lenfant actif (la musique est en France par trop considérée comme lapanage dune élite cultivée ) afin quil puisse expérimenter par lui-même létendue des sonorités. Vivre les émotions quelles suscitent puis les faire partager consolide, je pense, la dynamique de groupe ainsi que le désir de communiquer.
Durant les premiers mois afin quil ait une vision aussi large que possible des étendues sonores, je demande à chaque enfant dessayer tous les instruments.
Ceux-ci sont en exposition sur les murs pour les plus petits, sur une table ou sur pieds tout autour de la salle pour les plus imposants.
Cette méthode a pour but de motiver lenfant de façon visuelle, tactile et sonore car il leur est possible de circuler et de manipuler avant de définir leur choix. Nous pouvons remarquer combien laffectif joue un rôle important dans cette démarche. Avant toute chose, le jeune semble sapproprier lobjet sonore, il paraît entrer en résonance avec lui.
Par la suite ils ont la possibilité de jouer plus souvent du même.
Bien quune grande partie des instruments ait été achetée, jai laissé néanmoins une grande place à leur construction. Ceci se réalise à partir de matériaux de récupération comme des capsules, des bouteilles en plastique, des tuyaux, des morceaux de bois etc.
En outre, ces manipulations demandent à lenfant un effort de concentration, de dextérité, pour terminer par le plaisir de voir lobjet réalisé de ses propres mains.
Sans nous lancer dans une liste exhaustive des possibilités, citons par exemples : les grelots, le kazoo, le fouet, les maracas etc.
Bien entendu, nous ne pouvons pas parler dinstruments de musique sans faire référence à la voix.
Mes observations mont amené à remarquer que de nombreux enfants de linstitution prennent du plaisir à chanter.
Aussi ai-je mis en place une activité de ce type lors dune récréation. Ce temps me paraît le plus opportun car il fait tout dabord appel à la libre adhésion.
En outre, je souhaite que ce moment de convivialité ne soit pas perçu comme un nouveau travail mais comme lexpression dun plaisir partagé. Ce qui me semble quand même la qualité première de la musique.
Notons malgré tout quà travers la chanson, lenfant va dans un premier temps effectuer un travail de mémoire puis en fonction des textes vivre des émotions ou intégrer des valeurs sociales.
Certaines tribus comme les Maoris de nouvelle Zélande utilisent encore le chant au quotidien avec leurs enfants, comme mode denseignement des valeurs personnelles et sociales. Dailleurs, le mot quils utilisent pour exprimer la chanson signifie :
" Montrer lâme ".
A mon tour, jessaie dutiliser cet outil pédagogique de cette façon.
Néanmoins, il est bien clair que la pratique musicale ne saurait remplacer laudition doeuvres.
Elle est à mon sens un complément idéal à linterprétation instrumentale. Pour cela, nous utilisons des contes musicaux, des chansons issues des répertoires traditionnels et modernes, des oeuvres classiques sans oublier linterculturalité en proposant des morceaux de différents pays et continents.
Au début les disques ont été amenés par moi-même. Toutefois, les enfants apportent souvent de la maison des documents sonores quils se sont appropriés et quils souhaitent faire partager.
Lécoute musicale nécessite de leur part un minimum de calme, de concentration, de savoir afin de reconnaître les instruments. Selon les rythmes, les intensités sonores les mêmes qualités seront requises pour percevoir les émotions voulues par les compositeurs au travers de leur musique.
En outre, le temps de verbalisation au terme de chaque écoute les incite à organiser leurs pensées, à mettre des mots sur les impressions et surtout à les exprimer correctement.
Là encore, nous voyons combien les apprentissages peuvent être nombreux durant cette seule activité.
Comme nous lavons exposé précédemment, latelier nest quune approche de la musique.
Néanmoins, il me semble intéressant que les enfants aient accès à la finalité que peut représenter le spectacle.
Lobjectif est en quelque sorte de mettre en forme les progrès réalisés tout au long des séances. Il est de réunir en un grand puzzle tous les exercices musicaux, découvertes sonores afin de leur donner du sens aux yeux de lenfant.
Dans cette optique, nous travaillons laspect scénique et lutilisation du matériel de sonorisation.
Les enfants développent ainsi leur capacité de persévérance, de concentration sur un projet qui de plus introduit la notion de futur.
En outre, ils accomplissent beaucoup de chemin dans lacceptation de leurs difficultés et différences. Noublions pas labnégation que demande laction de sexposer au regard des autres, à leur jugement.
Lun de mes buts est de monter dès que cela sera possible un conte musical à partir des idées et compositions des jeunes puis de le présenter à lensemble de linstitution à loccasion dune fête.
Lautre aspect du spectacle que je souhaiterais mettre en place serait daller à lextérieur avec le groupe entendre des professionnels se produire dans un théâtre de la ville.
Une possibilité serait aussi de recevoir des artistes au sein même de linstitution.
Avant de conclure cette présentation, je souhaite vous exposer le parcours dun enfant dans cet atelier ainsi que lévolution du groupe
Lucien est un enfant de 12 ans. Il est physiquement très grand et semble très mal dans un corps disproportionné. Très nerveux, il a été surprotégé par sa maman. Sa relation aux autres est insatisfaisante parce que très agressive à la fois sur un plan physique car il ne mesure pas sa force lorsquil sénerve mais également par le verbe quil utilise bien souvent afin de proférer des insultes.
Les réprimandes de ladulte le mettent dans une colère folle et il nest pas rare quil renverse alors des tables et des chaises.
Lucien est venu dans cet atelier lannée dernière à raison de deux fois 40 minutes par semaine. Cette année, compte tenu des résultats obtenus, il y passe un après midi entier.
Malgré les difficultés de concentration et de comportement éprouvés par Lucien, nous pouvons déjà percevoir un premier gain, celui de demeurer présent et actif sur une période relativement longue.
Durant les premiers mois de latelier, Lucien a eu sa période que jappellerai " boum boum " pendant laquelle il tapait sans réel contrôle sur les timbales, les tables et les armoires.
Du son sourd et brut, il a commencé à prendre conscience des nuances. Dans les jeux proposés, il a tour à tour souhaité être musicien ou chef dorchestre.
Il sest rendu compte également que dans la musique le silence avait son importance à la fois pour écouter les autres mais également afin dêtre lui-même mis en valeur.
Puis il a appris quil y avait du rythme. Il a dabord ressenti celui de son coeur, puis au fil des mois il a fait des efforts pour contrôler le maniement de la mailloche et jouer selon un tempo donné.
Ensuite, est venue la notion de groupe ou sa musique pouvait sinscrire dans un ensemble, Lucien a découvert la patience.
Depuis quelques mois il est plus détendu, les traits de son visage sont moins crispés. Petit à petit, il sest détaché de la timbale pour choisir la guitare quil prend sur ses genoux et quil enroule de ses bras de façon très affectueuse, dune manière presque maternelle.
En outre, cet atelier lui tient tellement à coeur, quil en parle de façon très positive à la maison ce qui lui a permis dinstaurer avec ses parents les nouvelles bases dun dialogue que les différents échecs dans lapprentissage du calcul et de la lecture avait mis à mal.
Certes, Lucien ne participe pas quà cet atelier, seuls les efforts conjugués de tous ont permis cette amélioration dans le comportement de Lucien, mais je suis convaincu quil a trouvé là une activité où sépanouir.
Je pense que les enfants ont tout dabord été décontenancés par la souplesse du fonctionnement de latelier.
La découverte du monde sonore de la pièce avec la possibilité dutiliser les tables, les chaises, les armoires, les robinets, les portes, les cris comme instruments les a quelque peu paralysés.
La spontanéité constatée chez certains enfants à lextérieur avait du mal à prendre corps dans le cadre de latelier sous le regard dun adulte consentant.
Cet état a duré quelques mois puis les enfants ont pris de lassurance et ont commencé une période de défoulement particulièrement bruyante. Javoue que ce temps a été très pénible, au point de faire dire à une stagiaire psychologue qui participait à latelier : " javais limpression dun chaos ".
Puis le groupe sest auto-régulé. Certes dune année sur lautre quelques enfants sont partis, dautres sont arrivés mais un noyau important est tout de même resté. Ce dernier a dailleurs imposé de façon implicite cette autorégulation, comme si lexpérience des anciens avait en même temps profité aux nouveaux.
Le moment de discussion que nous avons à la fin de chaque séance permet de clarifier certains comportements entre les jeunes dont voici un exemple.
Parmi les jeux proposés il en est un que les enfants aiment beaucoup. Nous sommes tous en cercle et nous tournons autour dun tabouret en jouant chacun dun instrument... A tour de rôle chaque participant monte sur le tabouret pour se mettre en valeur et offrir aux autres une improvisation musicale. Mourad, un enfant assez égocentrique, avait monopolisé de nombreuses fois cette place centrale.
Lors de la discussion de clôture, une fille lui en a fait la remarque, comme à son habitude jai cru quil allait exploser mais il nen a rien été. Mourad sest contenté de hausser les épaules pour ensuite aller sasseoir en marge du groupe, en prenant soin de conserver néanmoins un lien avec les autres, celui de lécoute de ce qui se disait.
Au terme de lexposé de ce projet éducatif, trois réflexions me viennent à lesprit.
Tout dabord je prends conscience quil a été beaucoup discuté de méthode dans ce travail. Mon inquiétude serait que trop de technicité masque lessentiel. Je veux parler de la confiance mais aussi de la tendresse que lenfant doit trouver en ladulte. Sans cette relation humaine rien ne serait possible.
Ensuite il est intéressant me semble-t-il, de suivre le comportement de lenfant à la suite de latelier de façon à repérer si une trace mnésique persiste et sil est capable dutiliser à nouveau, en dautres lieux, déventuels acquis.
Nous navons pas abordé dans ce projet les effets thérapeutiques directs que peut avoir la musique sur lêtre humain. Ainsi, sous la direction dun psychiatre, il pourrait être envisagé un travail sur la base doeuvres choisies pour leurs vertus apaisantes, relaxantes ou énergisantes ceci en amont ou en complément dun traitement médical traditionnel.
Cest ainsi que jenvisage dentreprendre une étude sur lévolution du bruit au moment des repas durant lesquels les quarante huit enfants sont réunis dans une même salle.
En ce sens, les recherches des médecins canadiens L.Chalout et F.Borgeat sur la musique avec messages subliminaux sonores pourraient être étudiées plus à fond.
Enfin, je souhaite revenir au sujet concernant laide humanitaire en disant que lenseignement de la musique et la musicothérapie ont beaucoup à apporter sur le terrain en complément des aides durgence.
PISTES DE REFLEXIONS POUR UNE EVALUATION DES EFFETS DE LATELIER :
1- Peut reproduire un rythme simple :
- avec le corps
- avec un instrument
2- Peut créer un rythme simple :
- avec le corps
- avec un instrument
3- Facilité découte
- oui
- non
4- Aptitude à chanter :
- chante juste avec plaisir
- prend du plaisir, mais chante faux
- ne prend pas de plaisir, mais chante juste
- ne prend pas de plaisir et chante faux
5- Intérêt dans latelier :
- pour lensemble de ce qui est proposé
- pour la construction dinstruments
- pour lutilisation dinstruments
- pour les jeux musicaux
- pour les contes musicaux
- pour les chansons
- pour la musique classique
- pour le chant
- pas dintérêt du tout 6- Intérêt à propos de latelier :
- amène des disques et cassettes
- amène des instruments
7- Capacité à reconnaître les instruments :
- de façon visuelle
- de façon auditive
8- Oreille directrice :
- droite
- gauche
9- Facilité à communiquer de façon non verbale :
- par le geste
- par lattitude
- par linstrument
10- Attitude régulatrice au sein du groupe
- oui
- non
11- Attitude perturbatrice :
- au début de latelier
- à la fin de latelier
- selon la dynamique du groupe
12- Instruments préférés :
- à percussion
- à vent
- à cordes
13- Discours de lenfant :
- souhaite poursuivre latelier
- ne souhaite pas continuer (pourquoi ?
14- Progrès notables au sein de latelier :
- en rythme
- dans le comportement
- dans lécoute
- dans la participation
15- Age
(1) LAO TSEU : " Tao Te Ching "
(2) E. LECOURT : " La pratique de la musicothérapie " éd. E.S.F. (1980 )
(3) P. WATZLAWICK " : Le langage du changement " éd. SEUIL p.35
(4) R . BENENZON : " Théorie de la musicothérapie" éd. du non verbal/A.M.BX (1992)
(5) J.VERDEAU -PAILLES /B.LUBAN-PLOZZA/M.DELLIPONTI : " La troisième oreille et la pensée musicale " éd.FUZEAU (1995) p.79
(6) A.A.TOMATIS : " Vers lécoute humaine" tome 1 éd.E.S.F 1979 page 43
Travail réalisé pour la section française de lI.S.M.E ( International Society for Music Education ) à loccasion de ses journées dinformations du 29 et 30 novembre 1997 par :
Philippe SACCOMANO
53 rue Robert Degert
94400 VITRY
FRANCE
tél. (33) (0)1 46 58 88 02
e-mail: clarte@netcourrier.com