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BIBLIOTHÈQUE RYTHMIQUE

 

La 14ème promotion (Infipp) de formation à la musicothérapie (à perspective anthropologique et psychanalytique) vient de se terminer à Versailles. De très bons mémoires y ont été soutenus.

J'ai demandé à quelques-uns s'ils acceptaient d'en offrir quelques extraits au Bulletin. Cela n'a pas posé de problèmes.

L'intérêt est que cela peut alimenter les discussions.

  L'extrait suivant est issu du mémoire intitulé “Bibliothèques rythmiques et Chorégraphiques” réalisé par Christian DUBAR  de Toulouse.  6, Impasse Marestan 31100 TOULOUSE   Tél : 05 61 40 23 24

 

p.26

  ... En effet, l'américain William S. Condon explique que les gens communiquent par l'intermédiaire d'un système “d'entraînement”, les rythmes de l'un s'imposant progressivement à l'autre, et réciproquement, et permettant alors une véritable communication. L'interlocuteur entre alors en synchronie avec son locuteur, condition sine qua non d'interaction véritable. Ainsi nous mettrions en place, à notre propre insu, dans n'importe quel échange verbal avec un ami ou un malade, par notre voix, notre regard, nos attitudes et surtout les moindres mouvements de notre corps (de la position des mains aux battements de paupières, en passant par la distance des corps et l'attention donnée à l'autre) un système de rythmes qui seul permet la communication.

  Prendre conscience de ses rythmes propres, découvrir les rythmes de l'autre, savoir s'accorder rythmiquement à un interlocuteur, savoir proposer un ou des rythmes dans un échange de deux personnes, peut être un atout très important autant dans une rencontre amicale que dans une relation thérapeutique. Et probablement encore plus dans ce dernier cas, où tout thérapeute pourrait envisager d'étudier ces rythmes afin d'améliorer sa communication.

  Le concept de rythmes est alors très large : il va de la façon  dont on change de position dans son fauteuil (et du nombre de changements) lorsqu'on écoute son patient, ou de la façon dont on manie ses mains et ses bras, au rythme qu'en tant que musicothérapeute on a l'intention de proposer à son patient, si l'on a une proposition à faire, ou à la façon dont on va soi-même réagir aux rythmes que ce patient peut et va nous proposer.

  Pour éclaircir ce propos, et pour donner un exemple concret, disons qu'un musicien classique hors pair, aussi bon rythmicien soit-il, ne sera peut-être pas le mieux placé, et cela contre toute attente, pour trouver une articulation purement rythmique avec un malade mental. En effet, la formation “classique” de ce musicien, si elle s'est cantonnée aux formules rythmiques que l'Occident à gardées de ses traditions, risque d'être bien pauvre par rapport à un musicien autodidacte grec, par exemple, ou un danseur, qui pratique encore aujourd'hui les anciens rythmes d'un patrimoine oublié chez nous.

  En effet, quand on pense qu'il n'existe plus dans notre musique occidentale que des mesures à 2, 3 ou 4 temps, et que les anciennes mesures à 5, 7, 9 et 11 temps ont presque complètement disparu de notre éducation musicale comme de notre musique en général qui se restreint de plus en plus au 2 temps, on peut douter du fait que, même si dans la mémoire du malade il reste, pour une raison ou pour une autre, un rythme à 9 temps, il y a de fortes chances pour que le musicien “ne l'entende pas”, passe à côté, avec peut-être même une certaine condescendance pour ce rythme qu'il ne pourra même pas identifier et qu'il jugera comme du “n'importe quoi“, simplement parce qu'on ne l'a jamais initié à ce rythmes, parce qu'on ne lui a jamais donné les informations nécessaires pour les manier, parce qu'on a même éradiqué ces rythmes de sa culture.

  Pensons aussi que, dans notre culture musicale occidentale d'Europe de l'Ouest, il ne reste, du point de vue des modes musicaux, que deux espèces : le mode majeur et le mode mineur. Alors que le moindre musicien grec qui joue aux terrasses des cafés devant les touristes extasiés (ou agacés) manie sans aucune difficulté encore aujourd'hui 32 modes différents ! Et il sera peut-être évident que nous avons beaucoup à faire pour nous débarrasser de bien des préjugés “classiques” musicaux pour espérer entrer en relation avec qui que ce soit par notre seule connaissance du rythme...

  p. 51

  ... Nous avons ainsi imaginé un nouveau type de musicothérapeute : il s'agirait d'un spécialiste qui s'adresserait particulièrement à des personnes ayant des troubles en relation avec ce patrimoine rythmique. Ce serait celui qui posséderait suffisamment de connaissance pour faire des investigations systématiques sur le patrimoine rythmique de son patient afin d'en faire une analyse, afin de compléter ce patrimoine, ou de le corriger, de le réactiver, d'y mettre un ordre salvateur pour le malade, ou tout simplement pour trouver le moyen, “la longueur d'onde”, pour créer un lien avec ce malade, mettre en place une interaction avec lui, non plus en le contraignant à se mettre au diapason de l'intervenant, mais au contraire en allant dans son sens, dans son rythme, même si le rythme est “boiteux”, particulier, “irrégulier” comme disent les musiciens dès que l'on sort des mesures à 2, 3 ou 4 temps...

 

Ce travail passionnant, à mon avis, rejoint les recherches faites par Anzieu, Rosolato et Tobie Nathan sur ce qu'Anzieu appelle signifiants formels, premières identifications de l'enfant. Les signifiants étant des structures immobiles, Tobie Nathan rappelle qu'il s'agit moins de signifiants que de logiques de transformations. Ce n'est pas à des structures immobiles que l'enfant à a faire lors des premières représentations. Sa mère est sans cesse mobile.

Personnellement, je rejoindrai plutôt les travaux de Marcel Jousse qui montre combien les premières interactions de l'enfant avec le monde sont rythmiques et triphasées. C'est capital pour les musicothérapeutes. W.B.

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