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MUSICOTHÉRAPIE ACTIVE

Données générales

Cette forme de musicothérapie est appelée "active" pour la différencier de celle dite « réceptive » ou « passive » qui se base sur l'écoute de musiques enregistrées.

Le plus souvent, des praticiens, ajoutent des protocoles musicaux à leur pratique quotidienne pour répondre à l'intérêt des enfants pour l'activité rythmo-musicale ou encore pour pallier un déficit de langage.

Habituellement, ceux qui utilise la musicothérapie dite"active" se réfèrent, à des données très générales qui s'inscrivent dans le système musical occidental.  A la limite, cette forme de travail ne se préoccupe pas ou peu de la musique mais offre un simple support à la relation, intéressante surtout avec des personnes mutiques ou avec les enfants.

Les élaborations théoriques sont multiples, quelquefois assez vagues.  Cependant, dans bien des cas, on y trouve des références empruntées à la psychanalyse.

La formation à la musicothérapie active se donne, parallèlement à la musicothérapie réceptive, à peu près dans toutes les écoles qui, dispensent un enseignement sous le titre générique de MUSICOTHÉRAPIE. En France, les lieux de formation sont multiples: Paris, Montpellier, Metz, Nantes, Bordeaux, pour ne citer que quelques villes où l'on peut la trouver.

La formation à la musicothérapie active que nous proposons se singularise par son caractère et ses références centrées sur le fait musical et conforté par l'apport de la psychanalyse et de l'ethnologie.

Elle est enseignée d'une part au SNUP - formation qui à lieu à Paris - d'autre part à BUC RESSOURCES, dans la région parisienne ainsi qu'à Angers, dans le cadre de l'IPSE .

Elle présente des conceptions qui n'ont pas grand chose à voir avec celles de l'enseignement musical auquel nous sommes habitués sous nos latitudes.

Ce style de travail s'inspire, à la suite des travaux de Carl Orff (musicien Bavarois), des procédés utilisés dans les fonctionnements musicaux et les musicothérapies des cultures traditionnelles de l'Afrique ou de l'Asie, procédés que l'on pouvait trouver en Occident avant la fin de la Renaissance.

Ce style de fonctionnement n'est pas sans poser bien des problèmes, à commencer par ceux créés par les différences entre les mentalités et les logiques de pensées.  En effet, le phénomène musical n'est pas du tout considéré en Occident comme il peut l'être dans une société africaine.

Il ne s'agit pas d'adopter, à la lettre, telle ou telle conception rythmo-musicale africaine ou asiatique, mais de s'en inspirer en transposant, dans notre pratique, les procédés techniques utilisés par les traditionnels.  Ces procédés, à la base, ne sont pas liés à une culture donnée.  Ils sont universels.  Pour ne prendre qu'un exemple : tous les peuples utilisent la percussion.  Si elle prend des formes différentes selon les cultures, elle se fait, à peu près partout, avec des instruments faits de peaux tendues ou encore creusés dans des arbres.  De même, le procédé du "rondo" existe partout.

Ces procédés, ne trouvent leur dimension que dans la mesure où ils sont utilisés dans l'esprit qui les fonde.  Les procédés traditionnels ne font pas bon ménage avec le « star système » ni avec le « show business » ni encore avec une société du spectacle.  Ils impliquent le groupe dans son ensemble et prennent sens dans un climat convivial où règnent les "valeurs d'usages" plutôt que les « valeurs d'échanges ».  C'est qu'ils ne fabriquent pas d'objet!

Les points communs de ces musicothérapies traditionnelles peuvent se résumer en quelques points:

  1 - Elles donnent la primauté au groupe avec lequel elles sont toujours réalisées.  La musicothérapie active est une affaire de groupe.

2 - Elles présentent un caractère global.  La parole, le mouvement corporel et le rythme musical y sont toujours étroitement imbriqués.  Cette imbrication est facilitée par l'utilisation quasi permanente de la dramaturgie, de l'aspect rituel et théâtral

Les clivages que nous avons l'habitude de faire suivant nos catégories culturelles n'y ont pas cours.  La danse ne se pense pas sans le rythme musical lui-même fortement imbriqué avec le chant ou le récitatif.

  3 - Elles présentent toujours un aspect de rituels.

  4 - Elles font appel à la mémoire collective et surtout à celle des mythes qui structurent la communauté.

  5 - Elles ne travaillent pas directement sur l'affect mais sur la logique des organisations temporelles et donc rythmiques.

  6 - La dramaturgie met en forme symbolique le temps calendaire ainsi que les événements issus de la vie du groupe.

  7 - Le caractère général de ces pratiques est marqué par la combinatoire de plusieurs champs que, sous nos latitudes, nous avons pris l'habitude de séparer.  Dans notre enseignement occidental, nous séparons la musique qui devient cours de musique et de solfège, le corps, qui devient le sport et rarement la danse, la parole qui devient l'écrit des cours de français ou de littérature.  C'est loin d'être le cas dans les sociétés de style oral où la combinatoire est de rigueur.

Le style de musicothérapie que nous proposons s’inspire de ces procédés sans prendre part à aucun système de croyance, sauf à celui de croire en ce qu'on fait.

  STYLE DE TRAVAIL

  Ce genre de travail très pragmatique, et donc pratique, est abordé comme un outil à partir duquel des processus thérapeutiques peuvent voir le jour.  L'outil est secondaire par rapport à la relation qui s'élabore entre la personne qui l'utilise et les patients.

Cet outil nous introduit à un univers poétique.  Dans cet univers poétique, toute une série de processus verront le jour.  On y puisera ce que l'on pourra mettre en mots selon les nécessités du moment et surtout selon le discours de chacun et en particulier selon le discours du thérapeute.

  Il ne s'agit pas de ce qu'on appelle quelquefois un "bain musical".

L'idée de "bain musical" représente une image plus ou moins confuse et illimitée.

Or, le temps musical est plutôt fait de limites, de défilés et de passages, avec des naissances, des commencements et des fins, des vies et des morts.  C'est un jeu très castrateur au sens positif du terme.

L'ensemble des protocoles forme un contexte riche de processus rythmo-musicaux : balancement, phrasé, scansion, tempo, ictus, crescendo, diminuendo, forte, silence, syncope, contre-temps, etc. en somme, tous les processus de rapport au temps que nous éprouvons et que nous expérimentons depuis notre première enfance.  Ils sont revivifiés avec leur potentiel de mémoire et les plaisirs ou les déplaisirs, les peurs ou les audaces qui y sont associés.  En dehors de leurs colorations affectives, il sont déjà une mémoire fondamentale.

Les séances de musicothérapie active sont des occasions successives de défilés, de passages et de métamorphoses.  Une séance est un rituel de passage.  Ces passages, s'ils sont positifs, reconstruisent, enrichissent et consolident les potentiels de créativité, au sens où en parle Winnicott.

  En même temps, ils ouvrent à la symbolisation et à une meilleure articulation avec le groupe.

 

 

UNE VOIE PRATIQUE POSSIBLE

 

Comment « musiquer 1 »dans un système qui oblige à passer par une technique sophistiquée et trop exigeante pour les patients ? Carl ORFF proposait une voie exploitable.

On connaît mal ses découvertes.  Hormis ses oeuvres dont les CARMINAS BURANAS et les CATULLI CARMINAS, sa pédagogie musicale : « le Schulwerk » est peu connue en France.

Les premiers stages d'initiation au « Schulwerk » sont nés en France vers les années 60.  Avant même de la découvrir dans sa logique interne, cette modalité pédagogique a été récupérée par les conservatoires et inféodée au système en cours.  Afin de servir une politique élitiste et un savoir réducteur, « le Schulwerk » était ainsi détourné de ce qui constitue sa raison d'être essentiellement conviviale et relationnelle.

Les instruments, construits par Carl ORFF depuis 1935, sont utilisés mais au profit d'autre chose que ce pourquoi ils ont été conçus.

Carl ORFF lui-même déclarait avoir élaboré des procédés permettant un meilleur accès au langage et à la parole.  Il ajoutait non sans humour que la pratique permanente du jeu avec les instruments pouvait, éventuellement, décider de vocations musiciennes mais qu'il s'agissait là de résultats secondaires.

L'intérêt des travaux de Carl ORFF réside dans ce qu'ils sont fondés sur l'ouverture aux sociétés traditionnelles.  Il était connu comme conteur et spécialiste de la parole avant d'être musicien.  Fasciné, comme d'autres à son époque, par la tragédie grecque, mais aussi par les modes d'expression des traditionnels, il appuiera son oeuvre sur la réhabilitation de procédés anciens, remettant ainsi en valeur les formulations musicales de la parole.

Les instruments du « Schulwerk », calqués sur les instruments traditionnels, ne sont pas seulement un appoint pour l'apprentissage, ils sont, avec les procédés qui les accompagnent, un véritable outil d'épanouissement global.  Employer les instruments sans en connaître les principes et les usages, c'est réduire le potentiel créatif de l'outil qu'ils représentent.

Une raison principale de leur intérêt réside dans le fait qu'il permettent de musiquer activement sans contraintes trop exigeantes.  Avec le « Schulwerk », musiquer devient possible d'emblée.  De plus, le jeu inter-personnel est privilégié.

Ce n'est pas le lieu ici de faire l'inventaire des protocoles utilisés.  J'en énumérerai seulement quelques uns :

Le drame - Opéra comique, mystère, rituel de jeu dramatique etc. liés à la vie du groupe. 

La liaison étroite entre la parole, le mouvement du corps et le rythme.  La danse primitive. 

Les jeux rythmiques corporels avec claquements de mains et de pieds.

Les formes responsoriales et antiphoniques.

Les ostinati 2, rythmes de base, liés aux balancements corporels et joués en articulations L' utilisation des instruments dans des jeux de type martiaux.

Les formes très anciennes tels que le rondo et le boléro.

L'emploi des instruments à percussions:

timbales, tam-tams, tambourins, xylophones, métallophones, carillons, etc. et celle d'instruments à vent simples : flûtes à bec, cornes, trompes etc.

L'utilisation des systèmes modaux et du pentatonisme, accompagnant récitatifs et cantillations L'utilisation de la "Corde mère" comme base modale de départ.

L'improvisation, seul ou en groupe, sous toutes ses formes.

Tous ces nombreux protocoles peuvent servir de véhicule à de multiples registres comportementaux.  Il constituent la règle à partir de laquelle tout peut se jouer dans la perspective d'une analyse des situations et des réactions.  Ils peuvent être employés à des niveaux différents selon les choix du musicothérapeute.  Mais la grande richesse de ces protocoles réside surtout dans ce qu'ils peuvent être facilitateurs des formulations les plus confuses des patients.  La musique est ici au service du "drame".  Elle permet d'incarner les pulsions et les tensions par le jeu mythique des récitatifs, cantillations et responsoriaux.  En deçà même de la clarté du langage, elle ouvre la voie à la prise de parole.

Il va sans dire que la substance de ce travail est le jeu avec le mythe, emprunté ou créé.  Cela demanderait de longs développements.

1 "Musiquer " est un ancien verbe de la langue Française.  Il a disparu au fur et à mesure de l'apparition de la musique-objet.

2 Répétition rythmique ou mélodique du même thème.

 

 

                                  Willy BAKEROOT

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